Une bulle à la surface

mardi 29 octobre 2013, par Catherine Baumer, Franck Garot

L’homme au complet gris qui, chaque soir à 18 h 07, monte dans le métro à la station Pasteur, a les épaules basses et le regard éteint de ceux qui passent de longues journées dans un bureau sinistre. Ni cette femme plongée dans son livre, ni cet ado, les yeux clos, casque vissé sur les oreilles, ni cet homme tapant frénétiquement sur le clavier de son portable ne semblent remarquer sa présence, son existence. Chacun dans sa bulle.
Sa bulle, à lui, c’est un rectangle, un rectangle de lumière. Visage avidement tourné vers la vitre crasseuse, il attend que la rame sorte des entrailles de la terre pour s’élancer vers la station Sèvres Lecourbe. C’est là qu’il la voit, silhouette en filigrane se découpant dans la fenêtre vivement éclairée d’un immeuble haussmannien. Chaque soir elle revient, fidèle au rendez-vous tacite qu’ils se sont donné.

L’homme en gris ne vit plus que pour cet instant. Son visage s’anime, son regard s’illumine, ses épaules se redressent. Il se sent vivant.


Publié le 22 janvier 2012 sur les 807.

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