Patti Smith : Une vengeance 1/2

mardi 24 septembre 2013, par Franck Garot

Octobre 2010. Patti Smith enchaîne les dédicaces pour la sortie de Just kids, un livre autobiographique qui relate son histoire avec Robert Mapplethorpe. Elle signait sur les Champs hier soir, elle sera à la librairie l’Arbre à lettres ce soir. J’ai réussi à obtenir cette entrevue en passant par son éditeur français. J’ai indiqué que j’étais écrivain, pas journaliste, et souhaitais faire de la chanteuse et poète américaine un personnage dans une fiction en cours d’écriture.

On m’a donné rendez-vous dans un salon de thé près du boulevard Saint-Germain. Elle connaît mieux Paris que moi, surtout ce quartier que je laisse aux touristes et à nos éminences littéraires du siècle dernier. Elle vient régulièrement en France depuis son premier voyage avec sa sœur en 1969. Elle est déjà attablée lorsque j’arrive, pourtant en avance. Elle m’accueille en me déclarant qu’elle a été intriguée par ma requête. Je lui parle brièvement du synopsis en me gardant de prononcer le nom de Lou Dark, et je reste vague sur son rôle en lui assurant qu’il sera affiné grâce à notre discussion.

Bien entendu, je lui pose quelques questions polies sur son livre, la genèse, son accueil. Je sais qu’elle a croisé Lou Dark à New York. Par contre, elle n’a pas daigné écrire une seule ligne sur lui dans Just kids. On y retrouve tous les personnages qui gravitaient autour de la Factory et de l’hôtel Chelsea en 1970, comme Candy Darling, John Giorno, Jonas Mekas, William Burroughs ou Sam Shepard. Rien sur Lou Dark. Je lui demande de me parler de ses premières lectures pour le Poetry project dans l’église St. Marks. Puis au cours de notre échange, je saisis ma chance lorsque qu’elle mentionne l’hôtel Chelsea.

– N’est-ce pas au Chelsea que vous avez rencontré Lou Dark ? Vous n’en avez pas parlé dans votre livre…

Quelque chose passe dans son regard. Je ne sais pas si c’est de l’étonnement ou déjà de l’irritation.
– D’après mes informations, c’était en 1971.
– Vos informations ne sont pas fiables. En 71, je vivais dans un loft avec Robert, près de la 7e avenue.
– Bien sûr, à quelques pas de l’hôtel, au-dessus de l’Oasis bar. On vous voyait néanmoins encore souvent, au Chelsea.

Elle me fixe, me jauge. Puis reprend doucement, sur ses gardes. J’ai maintenant devant moi un félin.
– Oui, je l’ai rencontré une fois. C’était en octobre 1970, quelques jours après la mort de Janis Joplin, avant que je rencontre Sam. Je déprimais. Robert tapinait ou était sorti avec son ami David Croland, je sais plus. Bref, je voulais voir Harry Smith pour qu’il me remonte le moral. Je frappe à sa porte. Personne. Je redescends et tombe sur ce type avec un fort accent.
– Dark ?
– Oui, votre Lou Dark. Il traînait dans l’entrée du Chelsea. Je ne le connaissais pas. Il commence à me baratiner, me dit qu’il est à New York depuis un mois pour rencontrer son idole, Lou Reed. Il zonait devant le Max’s, la Factory. Mais il ne connaissait personne à New York. Quel couillon ! Il serait venu un mois plus tôt, il aurait pu voir le Velvet pendant sa résidence d’été au Max’s. Sauf qu’en octobre, Lou Reed ne fait plus partie du groupe et il est sûrement retourné chez sa mère. Et la Factory, ça fait un moment qu’il n’y a plus mis les pieds ! Ce Dark était un vrai crétin.


Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.