Haïkonomics de Igor Quézel-Perron

vendredi 6 février 2015, par Franck Garot

Une fois n’est pas coutume, je parlerai aujourd’hui de Auchan et du journal les Échos.

Lorsque je fais mes courses le samedi, il m’arrive de voir des écrivains en dédicace à Auchan, assis derrière une table posée là au milieu des Caddie, coincée entre les tapis roulants, le rayon librairie, le rayon papeterie et les caisses. Je les ai toujours plaints. Récemment, derrière cette table se trouvaient Nicolas Grenier et Igor Quézel-Perron, venus défendre la collection Haïkus (dirigée par le premier) des éditions Envolume.

On le sait, j’apprécie le haïku, ce format de poésie japonaise constitué de trois vers (métrique 5-7-5 pour les puristes) où se mêlent, en creux, l’intime à l’universel, la saison à l’état d’âme, avec ce troisième vers de la rupture (je rapporte ici la définition Twitter d’un élève de Mathilde Lesveque [1] : « le dernier vers fonctionne comme un #hashtag des deux autres »).

On le sait aussi, j’apprécie quand la littérature nous parle du monde du travail comme dans le roman [2] de l’ami Joachim Séné.

Haikonomics, le recueil de Igor Quérel-Perron ne pouvait que m’intéresser. Ce recueil est la compilation de haïkus déjà publiés dans le journal les Échos. Vu le peu d’intérêt que je porte à ce journal de boursicoteurs, je n’en savais rien. Merci donc à Auchan qui m’a permis de découvrir ce recueil.

Voici quelques pièces parmi mes préférées :

Le bouquet reçu
Au bureau
La fait rougir

Le collègue
Perdu dans ses pensées
Pour qui ce sourire ?

Dans l’open space
Au téléphone
Mots d’amour chuchotés

Retour à la maison
Son fils se jette à son cou
Il est viré

Ni très haut ni très bas
Il rend perplexe
Ce titre de Vice-Président

On les mettait où
Toutes les idées
Avant les post-it ?

On les retrouve
Chez certains N-1
Les tics de N

Présentation PowerPoint
On ne voit que ça
La faute d’orthographe

Les fils électriques
Derrière mon ordinateur
Ma petite jungle

Italique
Ça doit faire référence
À la tour de Pise

Retour de vacances
Les hommes ont pris une décision
Ils sont barbus

Comme vous le voyez, le haïku de Quézel-Perron s’éloigne des puristes, au niveau métrique (contrairement au recueil Périphérique(s) de son acolyte Nicolas Grenier) et on y trouve peu les saisons, le mont Fuji. Ceci dit, c’est tout l’intérêt de son recueil que de nous donner à lire le monde de l’entreprise par le filtre du haïku. L’ambition, les heures sup, les présentations PowerPoint, les feuilles Excel, les formations, les séminaires, le harcèlement, toutes ces conneries, cette éternelle aliénation, la poésie nous permet, l’espace de trois vers, de les supporter. Rien que pour ce miracle, ce recueil devrait être remboursé par la Sécu. Allez, retournez au boulot !


Haikonomics de Igor Quérel-Perron, éditions Envolume, 2014.


[1LOL est aussi un palindrome de Mathilde Levesque, First Edition, 2015

[2C’était de Joachim Séné, éditions publie.net, 2011

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