Between Thought and Expression

vendredi 4 octobre 2013, par Franck Garot

Janvier 1992, je suis étudiant au Havre, je viens d’avoir 20 ans. Sharon, une amie américaine, m’offre le livre Between Thought and Expression, selected lyrics of Lou Reed (Hyperion, New York, 1991). Je suis extrêmement touché par son cadeau. Aujourd’hui, deux clics sur une librairie en ligne suffisent pour se procurer un livre aux États-Unis. Mais à l’époque, c’était toute une histoire. Elle avait mandaté quelqu’un sur place pour l’acheter dans une librairie et pour lui envoyer par courrier. Je crois que 10/18 a sorti une traduction de ce livre en 2004. Vous pouvez me le confirmer en commentaire.

Ce livre est un recueil de paroles des chansons de Lou Reed, avec et sans le Velvet. Le premier texte est celui de I’ll be your mirror. Reed a annoté bon nombre des textes, pour expliquer un terme (« PR shoes », par exemple, dans I’m waiting for the man) ou le contexte de l’enregistrement de la chanson, les personnages cités, etc.

Enfin, le livre se termine avec deux interviews faites par Lou Reed : le dramaturge-président Václav Havel et l’écrivain Hubert Selby. Celle de Václav Havel est de loin la plus émouvante. Elle se passe à Prague en avril 1990. Havel est président de la Tchécoslovaquie. Les deux hommes se rencontrent pour la première fois.

On y apprend que le terme de « Révolution de velours » n’a rien à voir avec le nom du groupe de Lou Reed, qu’à l’époque communiste, jouer des chansons du Velvet, voire seulement posséder les paroles des chansons menaient droit en prison. On sent Lou Reed ému par cette rencontre. Pendant l’entrevue, il est question de l’invitation à jouer dans un club le soir-même. Le rocker ne souhaite pas s’y rendre, il est à Prague comme un journaliste, pas une rock star. Cocasse de voir Havel et son interprète presque le supplier. Finalement, Lou vient dans ce club, en fait la Galerie Uluv. Le groupe Pulnoc [1] est en train de jouer des chansons du Velvet. Lou est impressionné par leur prestation. Puis il joue [2] quelques morceaux de son album New York. Pulnoc remonte alors sur scène pour jouer ensemble deux chansons du Velvet.

Lou Reed et Pulnoc, I’m Waiting for the Man et Sweet Jane.

Avec l’album-hommage à Andy Warhol, Songs for Drella, cette soirée à Prague a très certainement contribué à la reformation du Velvet Underground sur Heroin, deux mois mois plus tard à Jouy-en-Josas, à la fondation Cartier, à l’occasion d’une exposition du maître du pop-art. Pulnoc était de la fête, puisqu’ils avaient joué en ouverture de la prestation du duo Reed-Cale.

Vingt ans plus tard, je remercie encore Sharon pour son cadeau.


Le gribouillis sur la page de gauche de la photo, c’est un autographe de Lou Reed. Je raconte cette dédicace, en modifiant la scène pour les besoins de la fiction dans le chapitre du livre consacré à Lou Reed.


[1« Pulnoc » signifie « minuit » en tchèque. J’ai utilisé la traduction russe « полночь » pour le nom du groupe qui joue I’ll be your mirror dans le chapitre qui se passe à Minsk.

[2Contrairement à ce qu’écrit Bruno Blum dans son livre Lou Reed - Electric Dandy, Lou Reed ne joue pas « sur une vieille Fender électrique » mais sur sa Steinberger rouge. La vieille Fender qu’il mentionne, c’est There was an old Fender Twin sitting at the front of the stage, bref, un ampli. Bizarre comme erreur pour cet excellent guitariste bilingue.

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